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Transformer une faiblesse en force: entretien avec Michel Fornasier, alias Bionicman

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Avec sa fondation «Give Children a Hand», Michel Fornasier s’engage aux côtés des enfants qui vivent avec un handicap physique. Cet expert financier de formation est né sans main droite. Il a dissimulé cette faiblesse pendant 35 ans, jusqu’à ce qu’il fasse son «coming out» et décide d’en faire une force. C’est ainsi qu’est né le super-héros «Bionicman». Et c’est sous les traits de ce personnage qu’il œuvre à la prévention dans les écoles et les institutions afin d’inviter les enfants à surmonter les handicaps et à faire barrage au harcèlement. Aujourd’hui âgé de 42 ans, il est équipé d’une prothèse bionique et est devenu ambassadeur de ce bijou de technologie. Nous avons rencontré ce super-héros fribourgeois. 

«Know You Can»: pour avancer, il faut croire en soi, clame la promesse de marque d’AXA. Que vous inspire cette phrase? 

Vivre sans main droite n’est pas un handicap très lourd en soi, mais il est très visible. Pendant très longtemps, les 35 premières années de ma vie, j’ai cherché à dissimuler mon moignon. J’étais triste et mal à l’aise d’être différent des autres. C’était particulièrement difficile l’été, à la piscine. Mais tout a changé, il y a sept ans. C’est alors qu’est né «Bionicman» et que ma faiblesse est devenue ma plus grande force. Nos principales barrières sont souvent dans nos têtes. Il faut croire en soi pour parvenir à les surmonter. 

Vous qui avez démarré votre carrière dans le secteur financier êtes aujourd’hui «Bionicman», un héros pour enfants. Comment cette mue s’est-elle opérée?

J’ai exercé de nombreuses années le métier de conseiller à la clientèle dans une banque, ce qui me plaisait beaucoup. Par intérêt pour le monde des ONG et leur orientation sociale, j’ai ensuite rejoint Amnesty International et Save the Children. Et c’est en 2006 que m’est venue l’idée de fonder l’association «Give Children a Hand», qui fabrique des prothèses de main pour les enfants à l’aide de la technologie d’impression 3D. Au départ, j’avais envisagé ce projet comme un test, un congé sabbatique, mais il m’a pris de plus en plus de temps. Depuis, je visite les écoles, les cliniques de réadaptation et les hôpitaux pédiatriques dans ma tenue de super-héros afin de sensibiliser les enfants au fait que certains de leurs camarades vivent avec un handicap physique ou mental et qu’ils font, eux aussi, partie de notre société. Je m’attache entre autres à prévenir le harcèlement. Je suis donc à présent entrepreneur, même si c’est pour moi plus une vocation qu’un métier.

Michel Fornasier, alias Bionicman

Vous avez fait un saut dans l’inconnu en renonçant à la sécurité de votre emploi et en créant votre fondation. Est-ce que vous encouragez les autres à se donner les moyens de réaliser leurs rêves? 

En chacun de nous sommeille un potentiel à développer. Croire en ses rêves, c’est important. Il est évidemment plus confortable de toucher un salaire fixe à la fin du mois et de bénéficier de la sécurité qui en découle. En me lançant à mon compte, j’ai donc pris un certain risque. Cette décision n’a pas été simple, mais elle recelait de nombreuses opportunités. 

Y a-t-il une devise ou un principe que vous suivez? 

Je penche plutôt du côté de Peter Pan: «Crois en toi et ne deviens jamais adulte». C’est aussi la maxime de Bionicman. 

J’ai vécu une expérience terrifiante à cinq ans en allant chez l’orthopédiste pour recevoir ma première prothèse de main. Son cabinet était encombré de jambes et de bras en plastique. Un décor effrayant pour le petit garçon que j’étais, et cette image a marqué durablement ma relation aux prothèses. Aujourd’hui, nous utilisons les imprimantes 3D pour fabriquer des prothèses de main qui ressemblent à des jouets colorés. Les enfants sont associés au processus, ils contribuent à créer leur «main magique». Récemment, un garçon a demandé une prothèse de main «verte comme Hulk». Nous avons donc imprimé toutes les parties de la main dans la couleur souhaitée et avons ajouté des éléments luminescents. Le garçon était aux anges, il avait même des larmes de joie dans les yeux. Pour les enfants, une prothèse est bien plus qu’un morceau de plastique, c’est un bouclier qui les protège contre le harcèlement et qui renforce leur confiance en eux. Et nous touchons là au cœur de notre travail: aider les enfants à améliorer leur estime de soi. Nos prothèses de main tiennent donc plus de Peter Pan que du Capitaine Crochet! (rires)

«Il est important de croire en ses rêves.»

Michel Fornasier, alias Bionicman

Michel Fornasier

Quelles sont les personnes qui vous inspirent le plus? 

Je suis vraiment impressionné lorsque des enfants qui présentent un handicap physique sont parfaitement à l’aise avec ce handicap et parviennent à vivre presque comme si de rien n’était, en particulier à l’adolescence. C’est une étape que j’ai mis à 35 ans à franchir.

Qui dit super-héros dit super-pouvoirs. Quels sont ceux de Bionicman? 

L’index de ma prothèse de main a été doté d’un revêtement spécial qui me permet de commander l’écran tactile d’une tablette ou d’un smartphone. Les enfants m’ont demandé si ma main me conférait des super-pouvoirs et si, comme Spiderman, je pouvais faire jaillir des toiles d’araignée de mon doigt. Au début, je les détrompais. Mais, devant leur déception, j’ai fini par leur répondre: «C’est bien possible...» Les enfants ont alors couru vers leurs parents en s’exclamant: «Moi aussi, quand je serai grand, je veux une main magique!» Et c’est de là qu’a germé l’idée de Bionicman. À s’entendre demander des centaines de fois si on a des super-pouvoirs, on arrive à se convaincre que c’est le cas. (rires) 

Un de mes amis, David Boller, a travaillé 25 ans aux États-Unis pour les maisons d’édition de bandes-dessinées Marvel et DC Comics. Il a dessiné des personnages comme Superman, Wonder Woman ou Batman. Ensemble, nous avons décidé de créer un super-héros avec un handicap. Normalement, on devient super-héros parce qu’on possède un don hors du commun. Dans le cas de Bionicman, ce don est un handicap, une main manquante. Le super-pouvoir de Bionicman est donc son aptitude à transformer en force un supposé point faible. 

Quel regard portez-vous sur l’intégration des personnes avec un handicap en Suisse? Que faudrait-il encore faire dans ce domaine?

Je pense que les personnes qui, comme moi, vivent avec un handicap ne veulent surtout pas être traitées différemment des autres. Handicap ou non, nous sommes tous unis par notre singularité. Évidemment, il reste du pain sur la planche, mais beaucoup de choses ont déjà été faites. C’est extrêmement encourageant.

Des événements tels que le Cybathlon ou les Jeux paralympiques sont des moteurs d’intégration. Et les médias sociaux contribuent à rapprocher des gens qui vivent pourtant loin les uns des autres. Il existe de nombreux groupes d’entraide extrêmement dynamiques, y compris pour les parents d’enfants atteints de dysmélie. Cette solidarité vaut de l’or. 

«La mascotte Max et des super-héros comme Bionicman ou les personnages de dessins animés peuvent faire des miracles pour aider les enfants à apprivoiser leur handicap et à en faire une force.»

Michel Fornasier, alias Bionicman

Si vous pouviez formuler un vœu concernant l’attitude générale à l’égard des personnes vivant avec un handicap, quel serait-il? 

Proposer son aide est une démarche sympathique et attentionnée. Souvent, par peur de déranger, les gens s’abstiennent de proposer leur aide aux personnes en chaise roulante, par exemple. Pour l’anecdote, une bonne connaissance, elle-même en fauteuil, me racontait dernièrement que des passants, croyant bien faire, lui proposent parfois de l’aider à traverser la route alors qu’elle attend tout simplement le bus...

Quand je fais mes courses au supermarché, on me propose souvent de l’aide pour emballer mes achats. Personnellement, je trouve cela très aimable. Généralement, je décline l’offre en y mettant les formes, mais il m’arrive de répondre «Oui, volontiers» quand je suis fatigué. 

Vous œuvrez pour la sensibilisation des jeunes sous les traits de Bionicman. Dans le même esprit, Max le futé, la mascotte de la Fondation d’AXA pour la prévention, se rend dans les écoles pour expliquer aux enfants les principes de la sécurité routière. Comment percevez-vous le travail accompli par la Fondation?

Max se débrouille comme un chef! Les mascottes comme Max et les super-héros comme Bionicman ou les personnages de bandes dessinées peuvent faire des miracles pour toucher les plus jeunes et les familiariser avec des thématiques essentielles. Les enfants sont notre avenir, et il est donc important de les sensibiliser à certains aspects. À mon avis, ce qui fonctionne le mieux est d’aller à leur rencontre et de présenter le tout de manière ludique.

Quels sont les projets de Bionicman pour 2020 et au-delà? 

Une série de dessins animés Bionicman est dans les cartons. Nous allons aussi lancer une super-héroïne, Bionica. Dans la vraie vie, Bionica s’appelle Romina Manser, et elle est née sans main gauche. Bionica a un rôle clé à jouer, car le harcèlement frappe sans discrimination de sexe. L’idée de Bionica est venue après que de nombreuses fillettes ont demandé si Bionicman n’avait pas une copine super-héroïne. Nous attachons une grande importance à ce que les histoires soient dépourvues de violence et à ce que tous les personnages existent réellement.

Après les volumes 1 et 2, le troisième opus sortira en fin d’année. 

 

Pour en savoir plus sur Michel Fornasier, cliquez ici.

Vous trouverez ici des informations complémentaires sur Bionicman. 

Et pour découvrir la Fondation Give Children a Hand, c’est par ici.

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