Collaborateurs et prévoyance

La relève, notre meilleur atout

Images: AXA / Marco Vara
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Tout ce qui les intéresse, ce sont les jeux en ligne et les sorties. Inutile de leur parler de réveil aux aurores ou de dur labeur. La jeune génération est pourrie gâtée et totalement autocentrée. Voilà pour les a priori. Mais qu’en est-il vraiment? Nous avons posé la question. 

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    Mon entreprise

    Texte original publié dans «Mon Enterprise», le magazine PME d’AXA.

    EDITION ACTUELLE

Pénurie de main-d’oeuvre plus criante que jamais, taux de chômage au plus bas depuis vingt ans: de nombreuses branches ne parviennent plus à recruter et sont dans l’impasse. Il est d’autant plus important de promouvoir la relève dans ses propres rangs et de former les forces vives de demain. Pourtant, selon les chiffres récents de l’Office fédéral de la statistique, les apprenties et les apprentis sont loin de tous achever leur formation. En 2021, 5889 jeunes ont ainsi échoué à leur examen final, soit 8,2%. Ce taux flirte avec les 20% ou plus dans divers métiers artisanaux, le record étant détenu par la construction d’installations de ventilation, avec 42% d’échec. Mais pourquoi?

La génération Z – fainéante et démotivée?

Pour les associations professionnelles et les médias, apprenties et apprentis ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes, tant ils sont peu motivés, fainéants et dénués de tout sens du devoir ou de la discipline. Balivernes! s’insurge Patrizia Hasler. La rectrice de l’école professionnelle technique de Zurich a mené une étude nationale sur les résiliations de contrats d’apprentissage dans le secteur principal de la construction et, dans ce contexte, examiné de près les conditions nécessaires pour qu’apprenties et apprentis puissent valoriser leur potentiel. «Si les jeunes étaient dûment encouragés, la plupart achèveraient leur apprentissage avec succès», souligne-t-elle. Dans la réalité, les recrues en formation sont souvent utilisées comme main-d’oeuvre bon marché plutôt que d’être préparées avec sérieux à leurs examens, en particulier dans l’industrie et l’artisanat. Or la promotion de la relève est cruciale, précisément dans ces secteurs. «En réponse à la pénurie de personnel et à l’académisation croissante, nous devons absolument former des spécialistes solides dans les métiers de  l’artisanat, à même d’exécuter les travaux selon les hauts standards de qualité suisses», insiste l’experte. Elle conseille à chaque entreprise de bien s’assurer en amont qu’elle dispose des ressources et des compétences requises pour être une entreprise formatrice. «Il faut être conscient que l’accompagnement des jeunes en apprentissage est une activité très exigeante et chronophage, surtout au début.»

Petites victoires et grande motivation

Simon Hugi, gérant et responsable de la formation professionnelle chez Kuster Gärten à Mühleberg, le sait bien, puisque son entreprise de jardinage accompagne chaque année – et avec succès – de six à huit jeunes en apprentissage. Depuis mars 2021, Kuster Gärten est d’ailleurs l’une des dix sociétés de Suisse distinguées comme «TOP Entreprise formatrice de niveau 3», un certificat décerné aux entreprises qui s’engagent intensivement en faveur de la formation des jeunes. Quel est le secret de Kuster Gärten? «Nous intégrons nos apprenties et apprentis dans les tâches quotidiennes et, surtout, nous les plaçons au centre de nos activités, au sein de l’équipe et pas seulement sur le papier.» Ainsi, l’entreprise ne se contente pas de les employer à l'entretien des jardins, elle leur permet aussi de participer à des projets d’envergure afin d’élargir leurs horizons. Les incitations sont également de mise: «Nous les laissons rapidement conduire certaines machines. Pour nous, ce n’est pas spécialement efficient au début, mais pour eux, c’est une petite victoire», s’amuse le technicien paysagiste diplômé.

En outre, l’équipe s’efforce de créer un environnement chaleureux dans lequel tout le monde se sente à l’aise, à l’exemple du tutoiement généralisé et des repas de midi pris en commun. «Les jeunes sont surpris au début, mais ils s’y font vite», observe Simon Hugi. Patrizia Hasler confirme l’importance de cet état d’esprit: «L’instauration active d’une relation de confiance dès le début de l’apprentissage est essentielle pour que les apprenties et les apprentis osent s’adresser à leurs personnes de référence en cas questions ou de problèmes.» Pour Simon Hugi, les jeunes doivent avoir du plaisir à travailler. Mais le plus important, c’est de choisir le métier qui leur plaira vraiment.  Les jeunes doivent se décider pour un métier à un moment complexe de leur vie, c’est un réel défi», souligne l’entrepreneur. Patrizia Hasler abonde: «Les jeunes subissent une pression pour trouver rapidement une place de formation. Ils sont nombreux à penser qu’en Suisse, la formation professionnelle est la voie royale pour assurer financièrement leur avenir. Ils cherchent donc désespérément un apprentissage sans s’être réellement renseignés sur la profession ni avoir une idée de ce qui les attend.» Simon Hugi en a aussi fait l’expérience. C’est pourquoi il propose toujours quelques jours de stage aux candidates et candidats; les plus intéressés peuvent ensuite enchaîner avec une semaine complète à titre d’essai. «On voit vite qui a la passion du métier.» Aux indécis, Simon Hugi conseille d’explorer d’autres possibilités avant de faire un choix. S’ils reviennent, c’est qu’ils veulent vraiment être là et qu’ils sont plus motivés que jamais. 

Trois hommes en vestes de travail bleues se tiennent dans un atelier, rient et discutent de plans de construction sur une table en bois.

Le formateur Emanuele De Caro privilégie une communication empathique, constructive et transparente.

Un investissement dans l’avenir

Des jeunes motivés, on connaît cela aussi chez Flüma Klima AG, à Ebikon. Cette entreprise accueille actuellement trois apprentis, dont deux en construction d’installations de ventilation, précisément la filière qui recense le plus haut taux d’échec. La relève est donc d’autant plus importante pour la société. «La pénurie de main-d’oeuvre est un grand problème dans notre branche, nous peinons à recruter. En formant des jeunes constructeurs, nous investissons dans l’avenir», explique Emanuele De Caro, formateur  responsable.

Il confirme la responsabilité que représente la formation d’apprenties et d’apprentis: «Pour les jeunes, la période 14-18 ans est très  exigeante. Ils passent sans transition des bancs de l’école au monde du travail, où ils doivent tout apprendre. Ce n’est pas facile.» Il ne suffit donc pas de vérifier leur ponctualité. «Nombre d’entre eux ont des problèmes familiaux ou personnels qu’il faut traiter avec autant d’attention que les questions d’ordre professionnel.»

Et Patrizia Hasler de mettre en garde: «N’oublions pas que les jeunes ne sont pas matures. Ils sont encore en plein passage entre enfance et âge adulte et ne connaissent pas les règles et les usages du monde du travail. Ils n’ont pas l’habitude de se lever tôt, de travailler physiquement ou d’exécuter des tâches de manière autonome. C’est pourquoi ils ont besoin d’une bonne dose de soutien, d’empathie et de temps, surtout au début. Aucun d’entre eux n’a la science infuse.» Pour Emanuele De Caro, il importe de parler ouvertement des attentes des uns et des autres et des règles de comportement en vigueur dans l’entreprise. Cela signifie parfois sortir du rôle du «gentil chef» qui passe tout aux jeunes pour leur faciliter la vie. Si on veut qu’ils apprennent quelque chose, il faut les amener de manière constructive plutôt qu’autoritaire à comprendre le sens de l’effort.

Un soutien à tous les niveaux

Chez Flüma Klima AG, on s’attache à combiner les aspects techniques, théoriques et sociaux. «Si nous remarquons qu’il y a des problèmes aux cours, nous mettons en place un cercle d’apprentissage à titre de soutien. Sur les chantiers, nous veillons à ce que les jeunes ne soient pas traités comme de la main d’oeuvre corvéable, mais qu’ils puissent mettre en pratique ce qu’ils apprennent en classe.» Cependant, souligne Emanuele De Caro, le plus important, c’est la dimension sociale: «Chaque jeune est une personnalité avec une famille, une histoire, des problèmes et des soucis. En tant que formateurs, nous devons accompagner les apprenties et les apprentis dans leur évolution et leur apporter le soutien nécessaire. Ensemble, on trouve toujours une solution.»

Les entreprises

Depuis 1911, Kuster Gärten, à Mühleberg, propose des services spécialisés dans l’horticulture, l’aménagement des jardins dans la région de Berne. La société, qui a été reprise en 2010 par Simon et Martina Hugi, emploie 42 personnes, dont 8 apprenties et apprentis.

Flüma Klima AG dessine, installe et entretient des solutions de ventilation et de climatisation innovantes et sur mesure. Fondée en 1982, cette société sise à Ebikon emploie 45 personnes, dont 3 apprentis.

L’experte

Patrizia Hasler est la rectrice de l’école professionnelle technique de Zurich (TBZ). Elle a fait ses études à l’université de Berne et a obtenu en 1989 le brevet d’enseignement pour le secondaire. En 2011, elle a décroché un Master of Science en formation professionnelle auprès de l’Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle (IFFP), à Zollikofen. Soutenu à l’université de Stuttgart, son travail de master porte sur les résiliations de contrats d’apprentissage et sur le potentiel inutilisé des apprenties et des apprentis dans le secteur principal de la construction.

 

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