Une affaire judiciaire met en lumière la vulnérabilité des dirigeants dans l’exercice de leurs fonctions et l’importance d’une protection adéquate, en particulier pour assurer leur survie économique personnelle.
Les cadres dirigeants, notamment les membres de CA ou d’autres organes de direction tels que les CEO, endossent de nombreuses obligations qui les exposent à un risque accru: leur responsabilité privée peut être engagée du fait de leurs actes en tant qu’organe, et ils s’exposent à des prétentions relevant du droit civil, voire à des plaintes pénales. Ce qui sert souvent de simple moyen de pression aux requérants et peut dès lors sembler arbitraire représente pour les personnes concernées un énorme stress, comme l’explique Leonz Meyer à l’appui d’une affaire toujours en cours, décrite ici sous forme anonymisée et simplifiée.
Le client est un ancien membre du CA d’une entreprise en mains étrangères, mais avec siège en Suisse. Ancien, parce qu’il avait déjà quitté la société en question depuis quatre mois lors des faits reprochés. À l’époque, il avait motivé son départ par des flux financiers inexplicables pour lesquels, malgré ses demandes réitérées, il n’avait reçu aucune explication de la part des propriétaires de l’entreprise. Il savait qu’il pouvait lui aussi être tenu pour responsable d’éventuels agissements illégaux, voire criminels, d’autres organes ou collaborateurs.
Quelques semaines après son départ, l’entreprise déposa une demande de remboursement auprès d’une autorité fiscale qui, soucieuse d’écarter des prétentions potentiellement illégitimes, examina en détail si les conditions requises étaient remplies. L’autorité ne s’aperçut toutefois pas que, selon le registre du commerce, l’entreprise n’était plus représentée par une personne domiciliée en Suisse et que, légalement, elle n’était plus autorisée à exercer ses activités. Elle versa donc à tort le montant demandé. Ce n’est que plus tard que l’autorité se rendit compte de son erreur et qu’elle ouvrit une procédure pénale administrative contre l’ancien membre du CA, choisissant ainsi, selon Leonz Meyer, la solution de facilité plutôt que de se retourner contre les propriétaires à l’étranger.
En cours depuis huit ans, la procédure n’est toujours pas terminée. Après que ses comptes ont été passés au crible sans qu’aucune trace de l’argent versé y soit trouvée, que des erreurs mineures dans le contrôle de la comptabilité commises avant son départ lui ont été reprochées et qu’une amende symbolique lui a été infligée pour cette raison, l’accusé s’est défendu devant différents tribunaux. Tant les accusations en lien avec le remboursement d’impôt prétendument accordé par erreur que les soupçons de transactions déloyales des propriétaires, qui ont incité Leonz Meyer à démissionner du CA et sur lesquels le juge n’a jamais enquêté, ont entre-temps été classés. Il s’agit maintenant de déterminer qui doit prendre en charge les frais, exorbitants, de toute cette procédure.
Une telle affaire peut non seulement ruiner financièrement les personnes concernées et les briser psychiquement, mais aussi ternir définitivement leur réputation dans leur secteur d’activité. «La majorité des membres de CA touchent des honoraires annuels de quelque 10 000 francs; ils sont donc loin de jouir de la même sécurité financière que les grands noms régulièrement à la une des médias», explique Leonz Meyer, bien placé pour le savoir. Cet exemple montre clairement avec quelle rapidité un organe de direction peut se retrouver dans une situation très inconfortable. L’avocat recommande donc de se protéger, par exemple en signant des contrats de mandat détaillés, en assistant régulièrement aux séances et en veillant à la tenue rigoureuse des procès-verbaux. Mais comme tout risque ne peut être exclu, il conseille vivement de conclure une assurance de responsabilité civile des organes de société: «Le nombre de violations d’obligations possibles est infini, et la moindre inadvertance peut donner lieu à des prétentions, quand celles-ci ne sont pas purement et simplement arbitraires.»