Depuis mi-2022, les nouveaux véhicules doivent être équipés d’un Event Data Recorder (EDR), y compris en Suisse. Dans cet entretien, Stefan Liechti, chercheur en accidentologie, nous donne quelques explications.
Stefan Liechti, qu’est-ce qu’un Event Data Recorder au juste?
L’Event Data Recorder (EDR) – en français «enregistreur de données d’événement» – est une sorte de boîte noire semblable à celle utilisée dans les avions. À une grande différence près: la boîte noire d’un avion enregistre tout, tandis que l’EDR d’un véhicule ne collecte que les données relatives à un événement particulier. Certains EDR fonctionnent en continu et écrasent les dernières minutes à chaque trajet sans incident. D’autres ne se déclenchent qu’au moment de l’événement, par exemple lors d’un changement de vitesse abrupt.
S’agit-il d’une technologie récente?
Non, cette fonction est connue depuis longtemps et, dans de nombreuses voitures neuves, elle fait désormais partie de l’équipement standard. Aux États-Unis, les premiers enregistreurs électroniques de données ont été conçus et utilisés dans des véhicules dès 1994. À l’époque, ils se restreignent aux informations relatives à l’instant de la collision. En 2009, la fenêtre est ensuite étendue à 5 secondes avant l’accident, les données dites «pré-crash» étant bien plus précieuses pour la reconstitution des faits. Enfin, en 2014, les États-Unis imposent l’installation d’un Event Data Recorder dans les nouvelles voitures de tourisme.
«Aux États-Unis, les premiers enregistreurs électroniques de données sont utilisés dans des véhicules dès 1994.»
Quelle est la situation en Suisse?
Dans l’UE et en Suisse, la loi correspondante est entrée en vigueur en juillet 2022. Parallèlement, certains systèmes d’assistance à la conduite sont devenus obligatoires pour les nouveaux modèles. À partir de 2024, ces exigences s’appliqueront à l’ensemble des nouveaux véhicules. L’obligation ne concerne toutefois pas les anciens modèles.
Quel est le rapport entre l’EDR et les systèmes d’assistance à la conduite?
L’Event Data Recorder utilise les mêmes capteurs que les systèmes d’assistance à la conduite. En effet, pour pouvoir fonctionner, les dispositifs comme l’assistance au freinage d’urgence, le détecteur de fatigue, le système antiblocage (ABS) et le correcteur électronique de trajectoire (ESP) ont besoin de données sur la dynamique de conduite. Les informations collectées ont donc une double fonction: aider à garantir la sécurité pendant le trajet d’une part; élucider les causes d’un accident d’autre part.
Les données enregistrées peuvent varier légèrement selon les constructeurs. Les informations suivantes sont toutefois collectées dans tous les cas:
• Vitesse
• Décélérations
• Accélérations
• Informations relatives au véhicule concernant l’activation des airbags, la ceinture de sécurité, la position de la pédale d’accélérateur, etc.
L’EDR élucide-t-il les circonstances de chaque accident?
Non, ce n’est malheureusement pas aussi simple. Les données de l’EDR n’ont pas pour but de remplacer la reconstitution traditionnelle de l’accident, mais de la compléter. Elles doivent en outre être soigneusement vérifiées. Bien sûr, grâce au progrès technique, la reconstitution des accidents a évolué. Lorsqu’il n’y avait pas encore de systèmes d’assistance, les traces de freinage fournissaient des indications déterminantes sur le déroulement de l’accident. Aujourd’hui, les systèmes de régulation électroniques, à commencer par le système antiblocage (ABS), empêchent la formation de ces traces. C’est pourquoi les traces numériques enregistrées par l’EDR ont nettement gagné en importance.
L’Event Data Recorder a-t-il aussi des inconvénients?
Pour les usagers de la route responsables qui respectent les règles, l’enregistreur de données n’a que des avantages: les informations supplémentaires collectées facilitent la reconstitution de l’accident et les responsabilités sont souvent plus simples à établir qu’autrefois. Il en résulte une plus grande sécurité juridique.
«Pour les usagers de la route responsables, l’Event Data Recorder n’a que des avantages.»
Qu’en est-il de la protection des données? Où et pendant combien de temps sont-elles conservées?
Les données ne sont pas stockées dans un cloud, mais directement dans l’unité de commande de l’airbag. Celle-ci se trouve généralement dans la console centrale du véhicule. Si l’airbag s’est activé lors de la collision, l’enregistrement est conservé durablement et ne peut pas être effacé.
Comment les données d’un Event Data Recorder sont-elles lues?
Seuls les spécialistes y ont accès. Il faut un outil spécifique, le Bosch CDR (Crash Data Retrieval) Tool, que l’on connecte à l’interface OBD (On Board Diagnose) du véhicule et à un ordinateur portable. La lecture des données s’effectue manuellement: elles s’affichent directement sur l’écran de l’ordinateur portable.
À quelles fins AXA utilise-t-elle ces données?
Les données EDR permettent de reconstituer le déroulement d’un accident avec un maximum de précision. Les informations relatives à la dynamique de conduite sont souvent très utiles lorsqu’il s’agit d’établir les responsabilités. Qui plus est, l’enregistrement de l’EDR nous aide à identifier les délits de chauffard et à lutter contre la fraude.